C.P.: Marie Luna Jean-Jacques
Un jour
C’était peut-être mercredi
C’était peut-être jeudi
C'était un jour d’hiver
J’ai quitté Gif-sur-Yvette
Pour me rendre à Sorbonne
Sorbonne comme tu l’entends Sorbonne
Dans les livres que tu lis
Qui parlent d'humanité et de lumière d’Europe. Sorbonne
Engageait deux agents pour sa sécurité
Et comme je faisais peur avec ma valise bleue
Ils n'étaient pas certains que j’avais rendez-vous
Pour un séminaire sur la poétique du mal
J’ai rebroussé chemin sans penser au racisme
Les agents avaient peur
L’un m’a dit
désolé, chef. c’est à cause de vigipirate.
je ne souhaite pas risquer mon poste, chef.
J’ai rebroussé chemin sans penser aux sans papiers
qui dorment dans les métros ou dans le dernier train
de la ligne H ou B
Un autre jour
C'était un peut-être lundi
C'était peut-être un mardi
C'était un jour d’hiver
Mais il faisait très beau
Mais je tremblais quand-même
Car elles étaient trop belles
Ces lèvres courtes et roses
légèrement retombées
légèrement rebelles
qui m’invitent au café
au café d’à côté
Alors j’ai refusé
Parce qu’elles me faisaient peur.
désolé chef. c’est à cause de vigipirate.
je ne souhaite pas risquer ma peau, chef.
Un soir
C'était peut-être vendredi
C'était un peut-être samedi
Pas un dimanche d’hiver
Je trainais Quai Conti
Deux Chinois amoureux
Se prenaient en photo
Par un autre Chinois
Par moi aussi peut-être
Le bouquiniste aussi peut-être
Et tout le monde passait avec leurs yeux rivés
Sur leur prochain loyer
Leur crédit à payer
C’est pour ça que l’on vit
Dans les villes si grandes
Ce soir-là
J’ai rêvé
Que j'étais président de la transition
Qui n’aurait jamais lieu
Que je ne connaîtrai pas
Car c'était une erreur
ces gueules diplomatiques font peur.
désolé chef. c’est à cause de vigipirate.
je ne souhaite pas mettre en danger, la révolution chef
Jacob Jean-Jacques
64, Impasse de la Mothe Hugo, 95350
Saint-Brice-Sous-Foret
Le 28/01/2024
12:02
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